Renan Village de France
Occupé au XVIIIe siècle par les Beni Mefsoukh, Hassi Mefsoukh est en 1846, d’après le chef d’escadron d’Illiers , «un puits que l’on dit assez abondant et dont les eaux sont potables; les terrains avoisinants, surtout ceux qui sont au Nord, couverts de broussailles, seraient propres à la culture des céréales s’ils étaient défrichés. Si le puits était entretenu, des irrigations seraient possibles au moyen de norias; d’autres puits pourraient être creusés. Nous proposons d’y installer 20 familles. »
C’est par Hassi Mefsoukh que passeront les routes d’Oran à Arzew-le-port, de Goudyeil (St-Cloud) à St-Denis-du-Sig et d’Oran à Mostaganem. La même année, le Lieutenant Général de Lamoricière englobe le hameau de Mefsoukh dans le territoire de la commune de Goudyeil (St-Cloud). La région est presque désertique et dépeuplée. Les populations qui avaient plus ou moins servi les Espagnols en 1791, les Beni Amer dans l’Ouest et les Hamyan dans l’Est furent décimées et chassées de leurs territoires par leurs coréligionnaires voisins. La région était pratiquement vide d’habitants, de là le nom de Mefsoukh «le diminué, le déchu» C’est là que seront installés, à la fin octobre 1848 une quarantaine de familles de Parisiens chassés de la capitale par la Révolution.
Ce n’est qu’en 1893 que le conseil municipal de St-Cloud, où Mefsoukh, devenu Meffessour était représenté par son adjoint spécial Bordy Just, et son conseiller municipal Choquet, émit l’avis de donner au village le nom de Renanville. En 1924 le Centre est érigé en commune de plein exercice.
Il s’appelle désormais Renan.
Entre la Montagne des Lions, le Sahel d’Arzew, la mer, la dépression lacustre des Salines d’Arzew et la Macta s’étendait alors un morne plateau de 350 km2. Sur ce pauvre terroir, une importante croûte greso-calcaire donne un sol tantôt rocheux et très rocailleux, tantôt argilo-sableux.
Les terres fortes de premier choix retiennent bien l’eau. La région est couverte de buissons, lentisques, palmiers nains, genêts épineux. Le climat ne connaît pas d’extrêmes grâce à la mer, mais il a tendance à la sécheresse.
77 colons sont arrivés de 1848 à 1852, mais 12 seulement obtiennent leur titre de concession définitive après avoir défriché et mis en culture leurs lots (20 ares de jardin, et 7 ha de cultures). Il est vrai qu’ils ont à vaincre bien des difficultés: le choléra en 1849, des travaux pénibles de défrichement sur des terres souvent pierreuses couvertes de broussailles.
En 1854, 34 habitants meurent sur 56. Il y a également le paludisme et beaucoup d’enfants meurent en bas âge. Certains colons, pour vivre, doivent vendre le boeuf que l’Etat leur a donné: ils sont endettés, devant payer le pauvre matériel prêté par l’armée. Ils partent quelquefois se «louer» à Oran ou à Mostaganem, comme cantonniers.
En 1853 le village n’a que deux puits d’eau potable, les routes sont impraticables et l’école est faite par la femme d’un colon. Les maisons sont misérables: deux pièces au sol en terre battue, sans plafond. Les premières sont faites par le Génie. La culture ne fait guère de progrès, l’eau faisant défaut, bien que 85 pour cent des jardins soient défrichés. La grande ressource est le charbon de bois provenant des défrichements.
De 1855 à 1858, opiniâtres et courageux, ceux qui survivent sont propriétaires définitifs. Ils ont défriché, mis en valeur la terre, construit une étable, hangar, écurie, porcherie, four. En 1861 il y a 45 colons dans le centre, mais beaucoup sont dans la misère.
1874-1875 : une vingtaine de colons nouveaux sont arrivés. Ce sont des Alsaciens et des Lorrains. Ils sont affranchis d’impôts, mais doivent prouver qu’ils ont de quoi vivre pendant un an.
On ne peut évoquer sans amertume le sort de ces Alsaciens et de ces Lorrains. Pour rester Français, ils abandonnèrent tout dans leurs provinces natales devenues allemandes. Pour rester Français, leurs petits-enfants, oubliés de tous, même et surtout de leurs cousins restés sur les bords du Rhin, devront tout abandonner dans cette province algérienne qu’ils contribuèrent à donner à la France.
Certains colons ont agrandi leurs biens en achetant ceux des malheureux qui, n’ayant pu réussir, ont décidé de regagner leurs provinces d’origine. En 1883, seules trois familles peuvent se flatter de connaître quelque aisance, les autres vivotent à la limite de la misère. Mais la terre, assez ingrate jusqu’alors, a besoin de bras. Des familles espagnoles s’installent et donnent des ouvriers agricoles, puis des métayers ou des commerçants. Comme dans les autres villages de l’Oranie, on retrouvait leurs noms sur le monument aux Morts de la guerre 14-18.
Dans le village, musulmans et européens vivent en communauté. La bonne entente règne. Les Arabes parlent français, leurs enfants vont à l’école. Certains arrivent de «l’intérieur» comme journaliers et se fixent à Renan.
Les céréales s’étendent peu à peu, mais les récoltes sont mauvaises Les arbres ont du mal à venir car le vent d’Ouest fait mourir les jeunes plants. On pratique des cultures d’ essai, tabac ou coton, mais le manque d’eau les rend difficiles.
Seule la vigne ne déçoit pas. En 1849 on en plante 22 pieds. En 1885 elle couvre 19 ares d’un lot de jardin (Vidal). En 1859 la plantation continue, mais les colons sont encore trop pauvres et la vigne coûte cher. Elle donne des vins excellents titrant 11 à 12 degrès, Mayet Auguste obtient des médailles d’honneur à l’Exposition de Toulouse et en 1889 Dubouchet Charles une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris.
En 1884 le vignoble se développe soudain (à la suite de l’invasion du phylloxera en France). La vigne commence à enricher les petits propriétaires de Renan dès 1894. Avec le succès de la vigne, l’aisance fait place au besoin. Des fermes viticoles se créeent en dehors du Centre: dans le quartier de Télamine, commune de St-Leu: Bordy en crée deux, Mayet trois, Pascal une, Sestieu deux, d’à peu près 25 hectares chacune.
En 1897, le phylloxera fait son apparition. Après trois ans de lutte, on a recours aux plants américains que l’on greffe.
1901, la vigne supplante définitivement les céréales.
En 1933 est construite le cave coopérative qui peut contenir 29 000 hl de vin dans deux batîments auxquels s’ajoute un troisième en 1952. Cette organisation moderne comporte: longuet, fouloir, pressoir continu, cuves de fermentation, amphores, citernes et bacs à lie avec puits particulier à 37 mètres de profondeur à débit inépuisable, deux réfrigérants, pompes, matériel et éclairage électrique.
En 1928; le vignoble dépasse 1000 hectares et atteint son maximum à 1310 hectares.
M. Bordy Eugène, maire, est le président et l’animateur clairvoyant de l’oeuvre qui s’ébauche. Renan qui a tant souffert de son manque d’eau peut être fier de son réseau complet d’adduction d’eau et de distribution de ce précieux liquide. Il aura fallu de longues années pour parvenir à ce résultat, et résoudre bien des difficultés. Un château d’eau de 19 mètres de haut et de 300 m3 de capacité est mis en service. Plus récemment un poste de javelisation d’eau vient compléter ces installations.
Renan est favorisé par sa situation à un carrefour routier. Il y a loin de l’isolement des premières années. Le village n’a eu longtemps qu’une chapelle de fortune. En 1925 l’église a été construite grâce à une collecte et les cloches ont été offertes en 1952 par Mme Vve René Ursch.
En 1949, un stade omni-sports a été édifié, entièrement clôturé, grâce aux dons des habitants, et permet la pratique du tennis, basket-ball, volley-ball, football, etc… En même temps un demi-hectare de pins et d’eucalyptus, des parterres de fleurs sont créés près du stade en faisant un coin de délassement. Un foyer rural aux activités multiples prend naissance avec jeux, cinéma, causeries, activités théâtrales.
1952, une école moderne et spacieuse est construite.
Rien n’a été négligé pour que cette population aux goûts simples se plaise dans son village. Les maisons se sont construites simples et robustes. Il n’y a pas ici d’extériorisation de la richesse née du vignoble, pas de vie extérieure tapageuse.
Que diraient les pionniers s’ils revoyaient Renan en 1960, coquet, soigné, prospère, habité par une humanité nouvelle unissant les Français de toutes origines (depuis les descendants des Parisiens de 1848 aux enfants du Levant espagnol en passant par les fils des Alsaciens désespérés de 1870), aux musulmans. En cent ans, dans ce pays livré aux moustiques, aux chacals et aux ronces, est né un monde nouveau où règne le bonheur de vivre.
Grâce au courage et aux sacrifices des pionniers, au labeur et à l’initiative de leurs descendants, la France pouvait s’enorgueillir d’une réussite à nulle autre pareille. Pas de sous-sol, pas de mines d’or, pas de pétrole, pas d’argent, mais du travail, rien que du travail. Renan était un témoignage parmi tant d’autres.
Hélas! Dans ce pays voué aux djinn, le djenoun est passé. Il se disait champion de l’indépendance, et se voulait paragon de la grandeur, ce n’était là qu’effets d’une imagination démentielle. Il parla beaucoup, s’agita encore plus, et dans ses trémulations, balaya tout.
Aujourd’hui, Renan redevient Meffsoukh. Ca aussi c’est un témoignage, un irréfutable témoignage.
Liste des magistrats municipaux qui se sont succedés à la tête du centre de Renan, village de France:
SOUS- DIRECTEURS
Lieutenant CHAVELET1848-1849
Lieutenant BAILLON 1849-1850
Lieutenant REDOUTE 1850-1851
Lieutenant OLIVIER 1851-1852
ADJOINTS SPECIAUX
MANIGAULT Gervais 1852-1858
GRABY François 1858-1859
BRUC Jean 1859-1864
BAL Jean 1864-1867
MAYET Auguste 1867-1879
BLOT Charles 1879-1888
MAYET Charles 1888-1891
BORDY Just 1891-1895
SHAFFNER Henri 1895-1896
BORDY Just 1896-1898
MAYET Charles 1898-1908
MAYET Paul 1908-1914
PASCAL Joseph 1914-1919
BORDY Eugène 1919-1925
MAIRES
LEONI Hippolyte 1925-1929
BORDY Just 1938-1941
URSCH René 1943-1947
LESUEUR Roland 1947-1961
MAYET Charles 1961-1962
Maison de Maitre MAYET Charles | Maison de Maitre MAYET Charles |
Cave coopérative | Cave cooperative et la Poste |
L'EGLISE | RENAN - route d'Arzew |
Stade de RENAN |
Extrait de l'indicateur Général de l'Algérie par Victor Bérard 1867
MEFESSOUR est assis au point où la route de Mostaganem vient joindre celle d'Oran à Arzew, au mileu d'un sol fertile arrosé par vingt-quatre puits et noria. La place principale et les grandes voies de communication y adhérentes sont plantées d'arbres Un abreuvoir circulaire de 16 mètres de développement a été construit autour du puits, et alimente un lavoir et un rinçoir. Les habitants, réunis depuis 1848, sont au nombre de 144 Français, 31 Etrangers, 13 Arabes. Le village est éloigné de 4 kilomètres de Saint-Cloud.
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